Ville décentralisée : un espace de droits

L’avènement de la décentralisation permettrait à chaque citoyen à de revendiquer ses droits économiques et sociaux, notamment le droit à des services de qualité.

L’Etat centralisé et notre histoire ont créé une culture où tout est décidée à la capitale, de la conception à la mise en œuvre en passant par les études, les marchés, le suivi et même la maintenance. Les habitants des villes et des villages ont perdu leurs droits élémentaires et sont désormais classés comme des « populations ». Le terme « population » est devenu ambigu, tellement il a été galvaudé par les politiques. Il désigne désormais une masse informe de personnes qui se rendent à des meetings et applaudissent. Les « populations » n’ont vraiment pas de droits, ne revendiquent pas et ne posent pas de questions. Elles acceptent ce qui a été préparé pour elles, elles font ce qu’on leur demande de faire, applaudissent, font des chants « patriotiques » et clôturent les rencontres organisées par les politiques par une marche de soutien.

La ville n’est-elle pas une cité où vivent des citoyens ? Etre citoyen, n’est-ce pas reconnaître que l’on a des droits, des devoirs et des pouvoirs par rapport à la cité qui nous accueille. Le caractère citoyen permet aussi de différencier entre les biens et services d’intérêt général et les biens privés et personnels. Parmi les services d’intérêt général, il y a les services de base comme l’eau, l’électricité, l’assainissement, les transports, l’élimination des déchets, la propreté. D’autres services comme la santé, l’éducation, l’alimentation, le logement et même la culture sont aussi fondamentaux pour une qualité de vie dans la cité. Un citoyen a droit à tous ses services et il a le devoir de contribuer et d’exiger des services de qualité. Il a le pouvoir de soutenir le développement de sa localité. C’est en se battant pour ses droits que l’on lutte aussi contre les inégalités et les exclusions sociales.

Pendant longtemps, les habitants de nos cités ont subi et n’ont jamais cru qu’ils avaient ce type de droits et de pouvoirs. La décentralisation offre selon nous une opportunité pour non seulement faire vivre ces droits, mais aussi permettre qu’ils deviennent des valeurs dans nos cités. En choisissant la décentralisation comme mode de gestion du pays, le gouvernement central s’engage à permettre que l’analyse et la prise de décision se fassent également en périphérie par rapport à une bonne partie des éléments de la vie publique.

La mise en œuvre du projet de Promotion de la gouvernance locale (PGL/OL) dans les régions du Littoral et l’Ouest a questionné l’opportunité qu’offre la décentralisation aux habitants d’être des citoyens. Comment sont exercés les droits économiques et sociaux ? Quels sont les services afférents ? Quels sont les mécanismes d’information et de communication en direction des habitants ? Y a-t-il des voies de recours quand on n’est pas satisfait ? Quelles opportunités pour exercer le pouvoir des citoyens de façon constructive ? Quelles possibilités offre la décentralisation ?

La ville est un espace cosmopolite, les habitants ne sont plus issus d’un seul groupe ethnique comme par le passé. Les affectations du personnel de l’Etat et la migration pour l’emploi permettent un brassage des « populations » et offrent des conditions d’exercice d’une citoyenneté constructive. Avec la décentralisation, les habitants devraient rechercher à vivre leur statut de citoyen, c’est à dire avoir la possibilité de présenter leurs besoins, de proposer des orientations pour y faire face, d’apporter leurs contributions et enfin d’assurer le suivi et la maintenance des services. Ceci exige une réorganisation des modes de gestion avec au centre la qualité des services d’intérêt général et des dispositifs de financement durable. Cela passe aussi par une réorganisation de modes de communication entre les conseillers municipaux, l’exécutif municipal et les habitants de leurs communes.

Le dispositif de communication qu’offre le PGL/OL s’est avéré très utile dans ce moment de transition. En facilitant des espaces pour des « audiences publiques », des « dialogues citoyens » et l’exercice du « budget participatif », le PGL/OL permet ainsi aux habitants d’entrer progressivement en possession de leur statut de citoyen. Les efforts de la commune de Bangangté pour rester la ville la plus propre et offrir des services d’assainissement de qualité aux habitants de son espace communal, l’engagement du maire de Nkongsamba 1er pour comprendre les besoins des habitants et la collaboration avec les services déconcentrés dans le domaine de l’artisanat, les dialogues entre la commune de Mbouda et les parents pour mobiliser leur apport propre leur permettant de bénéficier des financements du PNDP pour les salles de classes sont autant de façons de faire que ces instruments accompagnent.

Les habitants des espaces communaux disposent désormais théoriquement de dispositifs qui facilitent l’expression et la communication avec leur commune. S’ils sont bien utilisés, ces outils peuvent permettre que les usagers des services des différentes communes participent à la définition du niveau de ces services, leur mise en œuvre et leur évaluation. Toutefois, ces dispositifs souffrent de l’absence de modes de financement durables des processus, il n’existe pas de tarification susceptible de garantir la pérennité des services. De même les voies de recours pour les habitants ne sont pas très lisibles, encore moins les mécanismes de transparence s’appuyant sur des indicateurs de performances régulièrement évalués avec la participation des habitants. Une situation qui empêche les habitants de vivre pleinement leur statut de citoyen. Les opérateurs privés et les OSC pourraient contribuer à sortir de cette impasse pourvu qu’il existe réelle une volonté politique à cet effet.

*Coordonnateur du Zenü NetworkProjet Promotion de la Gouvernance Locale, projet financé par l’Ue et s’exécutant dans les régions de l’Ouest et du Littoral (PGL/OL) www.zenu.org

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