Elites : nécessaires réformes pour plus de légitimité

Quand la société civile trace la voie, ça peut donner des moments de réflexion comme celui du colloque organisé par le réseau des savoirs, Zenü Network, à Yaoundé en février dernier.

Quatre jours. C’est le temps qu’aura duré ce colloque réunissant une quarantaine de participants venus du Niger, du Benin, de la Suisse, de la France, du Gabon, du Ghana, du Mali, du Maroc, du Mozambique, du Sénégal, de Tanzanie et du Cameroun.

Flaubert DjatengEn levée de rideau le 15 février à l’Hôtel Mont Febe, quatre allocutions ont fixé le cap de l’événement. En sa qualité de Président national de l’Association des Communes et Villes Unies du Cameroun (Cvuc), Emile Andze Andze a déclaré que « Le succès de la décentralisation est conditionné par ce qu’elle-même génère». Cela passe par la création d’espaces de dialogue et de concertation qui consacrent la participation active des citoyens, dans le strict respect de la vision et de l’identité africaine.

Flaubert Djateng, Coordonnateur du Zenü Network a pris la parole pour présenter cette structure basée à Bafoussam qui regroupe 28 organisations de la société civile (Osc). Celles-ci travaillent dans la promotion du développement durable, l’éducation, l’agriculture, les droits de l’homme ou encore les nouvelles technologies. Le Zenü conduit quatre projets dont la promotion des plateformes au sein des communes comme espaces de dialogue et le projet jeunesse culture et citoyenne dont la finalité est de travailler avec les jeunes pour éviter qu’ils ne deviennent « une arme de destruction massive » selon M. Djateng. Par ailleurs, le Zenü accompagne aussi les activités de plaidoyer des Osc promoteurs de changement auprès des communautés et enfin, le projet de promotion de la gouvernance locale et de renforcement des acteurs non étatiques.

Systèmes formel et non-formel

Les participants à ce colloque ont dégagé un constat. Il existe un système “semi-informel”, un système vivant qui influence le vécu quotidien des populations. Il cohabite avec un système plus visible et formel, qui se rabat sur le premier cité quand cela arrange les intérêts des dirigeants. A côté d’une élite formelle, du fait des postes occupés dans l’administration publique ou dans la culture villageoise, l’on a vu naître des élites de circonstance qui s’appuient sur les partis politiques, les lobbies financiers ou la société civile. Mais la légitimité des acteurs et des institutions en présence est encore questionnable, de même que les modes d’accession aux sphères de décision. D’ailleurs, il y a lieu de saisir le regard que portent les citoyens sur les détenteurs du pouvoir. L’on peut donc se demander si les modes de sélection des dirigeants prennent en compte les préoccupations des populations ? Et comment assure-t-on le suivi des actions de développement avec plus d’efficience et de transparence dans la gestion ? Le colloque s’est proposé de répondre à ces différentes questions, en examinant notamment trois pistes de cohabitation consciente et volontairement partagée. Tout d’abord adapter les institutions existantes ; l’hypothèse étant ici que la décentralisation ne doit pas bousculer ou déstabiliser le système moderne. Ou alors refonder les institutions avec un lien entre les deux systèmes, en améliorant ce qui existe. Et troisième formule: remplacer les institutions par de nouveaux systèmes ; on suppose alors que la décentralisation doit carrément changer ou révolutionner la manière dont la société est structurée et fonctionne. Chacun de ces choix suppose des changements qui auront un impact sur les institutions endogènes enracinées dans la culture et l’histoire d’un peuple, et de l’autre sur les institutions formelles du pouvoir actuel.

A en croire Olivier de Sardan, l’un des animateurs du colloque, “l’espace local se présente le plus souvent comme une « arène » où se trouvent plusieurs centres d’intérêts et de pouvoirs dont les rapports relèvent du jeu d’alliances, du consensus sur les valeurs mais aussi de confrontations, de rivalités et même de conflits ouverts.”Nos villes et campagnes regorgent de personnalités aux pouvoirs importants dont la légitimité est tirée du poids des traditions (chefs traditionnels, notables), du volume des affaires traitées ou chiffre d’affaires généré (hommes d’affaires), de l’appartenance ou non au parti au pouvoir (membres du Comité central du Rdpc, député, maire, homme politique), de l’activisme reconnu ou pas dans la société civile (féministe, consultant), de la notoriété (leader d’opinion, homme des médias, universitaire). Ces différentes personnes ont profité plus ou moins de leur position ou de leur aura pour se constituer une clientèle politique, influencer le choix des élus de leur localité, la constitution et la composition de l’élite de leur commune, peser de leur poids supposé ou réel dans l’accès aux postes de la haute administration et des forces de l’ordre ou de défense de leurs « frères ». Ils sont nombreux qui s’en vantent, d’autres s’activent discrètement et avec efficacité, à ce qui paraît.Que ces pouvoirs soient exagérés ou réels ne constitue pas un problème en soi. La nouvelle donne institutionnelle, administrative et politique remet en cause cet état de chose pour plus de transparence, davantage d’implication des populations dans les processus de décision. De même, la décentralisation induit de nouveaux modes de régulation des rapports sociaux.Ces élites sont-elles prêtes à céder de leur pouvoir? Là réside toute l’incertitude que même l’étude des modèles suisse, éthiopien ou kenyan n’a pas dissipé.Les prochains mois nous édifieront sur le degré d’appropriation des pistes soulevées pendant cet événement.

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Auteur

Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

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