Fiscalité africaine : L’urgence du continent à se saisir de l’économie numérique

Fiscalité africaine : L’urgence du continent à se saisir de l’économie numérique

L’omniprésence des réseaux sociaux majeurs dans l’écosystème économique africain, a prouvé la défaillance des Etats à les taxer, mais aussi à les encadrer. L’Académie internationale de justice fiscale émet un plaidoyer envers les acteurs sociaux pour une issue des plus favorables.

Les réseaux sociaux ont complètement changé nos habitudes en ce sens où ils ont repris tous les codes de notre vie de société qu’ils ont retranscrits dans des fonctionnalités virtuelles. Ils demeurent également des outils de communication hors pair pour toute structure. L’économie numérique s’est introduite en Afrique avec la polyvalence des outils mondiaux qui ont littéralement fait basculer la gouvernance fiscale. De NETFLIX, en passant par Facebook, Whatsapp, Twitter, ou encore Google+, le schéma est le même : Pas de représentations physiques de ces géants du numérique, et en conséquence l’incapacité des pouvoirs publics africains à taxer ces réseaux quoique les dirigeants identifiables notamment aux Etats-Unis.

Non seulement l’Afrique n’est pas encore rattrapé le gap numérique, mais elle subit le quasi-monopole mondial sans en détecter les réels enjeux de telles opportunités fiscales. Thulani Shongwe, Chargé de la fiscalité internationale à l’ATAF, mentionne l’urgence pour les Etats africains de mettre en place une révolution numérique locale, des mesures juridiques appropriées au niveau fiscal pour les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon)     notamment, travailler à une construction en termes de contrôle et surveillance des activités économiques qui découlent du numérique, telles le commerce électronique avec des mastodontes qui ont compris la philosophie à l’image d’ALI BABA, ou encore JUMIA, BOOKING, AMAZON, WALMART.

Où est l’Afrique dans le deal ?

Si les principales sources de revenu des GAFA sont aujourd’hui en Occident, les géants du numérique s’intéressent de plus en plus aux pays en développement, où le prochain milliard d’utilisateur émerge, avec des pratiques qui mettent au défi leurs modèles de revenu et leurs infrastructures, récapitule une étude du Center of Global Development, Governing Big Tech’s Pursuit of the “Next Billion Users”.

Il y a dix ans, environ 22% des humains étaient connectés à internet soit 1,5 milliards d’habitants, dont 13% dans les pays en développement. Aujourd’hui, la moitié de la planète est en ligne, dont un tiers dans les pays en développement. Les disparités restent bien sûr, très fortes. Ainsi, alors que 75% des américains sont connectés, on en trouve seulement 20% en Afrique sub-saharienne et 26% en Asie du sud. Sans surprise, les inégalités d’accès à internet reflètent les inégalités tout court. Les femmes par exemple, sont toujours moins connectées que les hommes, surtout dans les pays à faibles revenus.

L’usage d’internet dans les pays en développement s’est fait selon des logiques de verticalisation, avec quelques géants qui dominent le marché, bien loin de l’idéal qu’avait imaginé l’inventeur du web en 1989, Tim-Berners-Lee qui l’avait pensé plat et décentralisé. Ici comme ailleurs, le web est façonné par quelques géants. Les chiffres sont criants : aux Etats-Unis, 50 cent de chaque dollar dépensé en publicité en ligne tombe dans la poche de Google ou Facebook. La moitié des revenus dépensés dans la vente au détail en ligne finit dans la besace d’Amazon. Au Kenya, une étude récente rappelle que plus de la moitié du trafic mobile passe par Google ou Facebook. Google est présent dans 200 pays et propose ses services en plus de 100 langues différentes. Android est installé sur 2 milliards de smartphones dans le monde. Du côté de Facebook, on revendique 2,3 milliards d’utilisateurs actifs, en 100 langues également. Plus de 70% de ces utilisateurs vivent en Afrique et en Asie qui ont donc dépassé les utilisateurs américains en volume. L’application de chat WhatsApp, qui appartient aussi à Facebook, compte 1,5 milliards d’utilisateurs.

Comme ces deux sociétés génèrent leur revenu en vendant de la publicité à chacun de ces utilisateurs, l’avenir semble déjà écrit, il faut étendre la zone de chalandise. Cependant, les marchés occidentaux sont aujourd’hui beaucoup plus lucratifs : un utilisateur américain rapporte 26,76 dollars à Facebook, à comparer avec les 1,86 dollars du reste du monde, qui compte l’Afrique, le Moyen-Orient ou l’Amérique latine.

Qu’en est-il du Cameroun ?

Au sein de l’espace numérique, des solutions naissent peu à peu. De Madiba Olivier avec Kiroo Games via l’appui de la géante de la tech Rebecca Enonchong, en passant par William Elong avec les drones 100% Camerounais, la nasse numérique se détache. L’informaticien camerounais Alain Ekambi, est le promoteur d’une plateforme de communication qui veut refléter l’indépendance numérique du Cameroun en particulier et de l’Afrique en général, DIKALO. Il s’agit en effet, d’une application de messagerie instantanée dont les utilisateurs n’ont pas besoin d’avoir des numéros de téléphone, mais plutôt des ID.

Si les pouvoirs publics encouragent lentement l’innovation numérique à l’image des actions du MINPOSTEL (Ministère des postes et télécommunications) qui a d’ailleurs lancé la semaine de l’innovation numérique le 26 juin 2019 à Yaoundé, les contours sont quelque peu inquiétants sur la taxation des applications téléchargées dont les députés réunis en session   ordinaire, ont l’intention de consacrer via une loi spécifique.

« Le téléchargement pour les téléphones ainsi que les tablettes électroniques ou numériques, des applications informatiques produites hors du territoire douanier, destinées à leur propre fonctionnement ou exploitation, sont soumis au paiement des droits et taxes au taux unique forfaitaire de 200 FCFA par application », peut-on lire dans le projet de texte portant loi de finances 2019.

Toujours, selon ce texte, ce prélèvement effectué au terme du téléchargement de l’application sera reversé mensuellement par l’opérateur de téléphonie concerné au service des douanes compétent. Les applications téléchargées dans le cadre des franchises prévues par l’article 276 du code des douanes CEMAC et ses textes d’application ne sont pas soumises à ce prélèvement. Ces franchises concernent, entre autres, les envois exceptionnels dépourvus de tout caractère commercial, les matériels et produits fournis gratuitement aux Etats membres par les Etats étrangers ou des organismes internationaux ; Il s’agit d’un dessin fiscal qui doit interpeller la société civile camerounaise et les acteurs connexes. La douane camerounaise n’a-t-elle pas suffisamment de poches fiscales à son actif ?

L’étrange épopée en Ouganda

Depuis le 1er juillet 2018, Facebook, Twitter, WhatsApp et même Tinder sont soumis au paiement d’une taxe de 200 shillings par jour. Une somme certes symbolique, moins de 16 euros par an, mais qui grève encore un peu plus le budget des Ougandais. Un forfait téléphonique d’un gigaoctet de données mobiles représente environ 15% du salaire mensuel moyen. Mais le gouvernement Ougandais ne s’arrête pas là, car pour s’acquitter de cette taxe, il faut la payer avec son téléphone. Or depuis juillet les transactions via mobile sont elle aussi imposées à hauteur de 1%. Selon des statistiques récemment publiées par la commission ougandaise des communications (UCC), la taxe sur les applications over the top (OTT), comme Whatsapp et Telegram, est de moins en moins rentable pour l’Etat.

D’après l’UCC, le gouvernement ougandais a collecté 5,6 milliards de shillings (environ 55 millions de dollars) grâce à la taxe OTT, en juillet 2018. Les recettes sont ensuite tombées à 4,1 milliards de shillings (environ 40 millions de dollars), en août 2018, avant de descendre à 3,97 milliards de shillings (environ 39 millions de dollars US), en septembre. Il faut savoir que le nombre d’utilisateurs des applications OTT a baissé au fil des mois. D’environ 8,04 millions en juillet 2018, le nombre de personnes touchées par la taxe est passé à 6,87  millions en juillet et 6,84 millions en septembre 2018.

 

 

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Manfred Essome
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