Ernest Ouandié, cet autre enseignant tué en 1971
Alors qu’un enseignant a perdu la vie poignardé dans une salle classe le 14 janvier 2020 pour avoir mal noté un élève, le Cameroun persiste à ne pas célébrer la mémoire d’un enseignant fusillé il y a 49 ans pour ses idées, et réhabilité il y a 29 ans.
L’un était, à 26 ans, un ECI, enseignant en cours d’intégration selon la formule consacrée qui veut qu’un enseignant sorti de l’école souffre le martyre pendant deux ans en moyenne avant de prétendre toucher à sa première paie pour laquelle il doit suivre laboriseusement son dossier en s’assurant, comme le veulent les usages de “joindre l’intéressé au dossier”, car un dossier de “rappel” ne marche pas sans des jambes d’argent sonnant et trébuchant.
Il s’appelait Boris Kevin Njomi Tchakounte et était vacataire au Lycée classique de Nkolbisson, dans le 7e arrondissement de Yaoundé. Alors qu’il dispense son cours et s’approche d’un élève ingérable qui refuse d’obtempérer à un ordre et qui, il ne le sait pas encore, a promis la veille à ses camarades qui ne l’ont pas dénoncé de lui ôter la vie du fait d’une mauvaise note de cet enseignant de mathématiques au premier trimestre. Brice Bisse Ngosso, 15 ans ou 17 peut-être, qui semble avoir le profil de l’emploi, qui n’a ce jour-là intégré la salle que pour ce cours qui se déroule à 10 heures, sait qu’il a su attirer sa proie vers lui pour ce qu’il nomme “le retour”. Il sort un couteau de sa poche et devant la classe tétanisée, loupe le coeur qu’il vise et transperce l’artère axillaire de celui qui s’était engagé à lui ouvrir les portes de la logique et du savoir. Hélas, le garnement qui aurait dû être exclu de l’établissement pour avoir blessé avec une lame un de ses camarades au cours du premier trimestre, préfère l’obscurité dans laquelle il excelle depuis quelques temps au point d’avoir été renvoyé de son précédent établissement pour violences et d’être craint dans son quartier pour son Cv criminel. Cette même noirceur qu’on retrouve à son arrestation dans son attitude et son regard sans remords alors qu’il vient d’ôter la vie à son maître, à un être humain, à un enseignant.
Le quatrième coup de poignard est venu de la ministre des Enseignements secondaires qui s’est fendu d’un communiqué pour souligner que le défunt était “en service au Lycée de Panke Djinoum dans la région de l’Ouest”, comme pour dire qu’elle ne comprend ce qu’il faisait à 350 km de son lieu d’affectation, tout juste six mois après sa soutenance à l’Ecole normale supérieure de Yaoundé.
L’illustre devancier, formateur de conscience
L’autre était, à 26 ans, moniteur indigène, après avoir obtenu son diplôme 10 ans plus tôt, en 1940, à l’Ecole primaire supérieure de Yaoundé. Ernest Ouandie, cinquième d’une fratie de sept, fera le tour du pays, au gré de ses affectations disciplinaires: Edéa (1994-48), Dschang (1948), Douala (1948), Doumé (1953), Yoko (1953), Batouri (1954), Bertoua (1954), Douala (1955). En 1952, le “camarade Emile”, son nom en clandestinité, quitte sa famille à 28 ans et ne la reverra plus jamais, car il épousa définitivement la lutte de l’Union des populations du Cameroun (Upc) qu’il dirigera à la mort du président Félix Roland Moumié en 1960. A 47 ans, il est fusillé sur la place publique à Bafoussam, lui, le dernier des pères de l’indépendance, pour ses idées et son combat pour un Cameroun indépendant, libre et prospère.
Ses derniers mots, alors qu’il sait qu’il va mourir, fier, souriant et détendu ? “Vous pouvez m’exécuter. J’ai formé des jeunes qui poursuivront le combat. Que vive le Cameroun!”.
Déclaré héros national par l’assemblée nationale le 27 juin 1991 au même titre que les autres leaders nationalistes et réhabilité par la loi n°91/022 du 16 décembre 1991, il est royalement ignoré tous les 15 janvier depuis 29 ans. Un autre coup de feu de l’Etat qui a pourtant fait voter la loi qui stipule que : “la réhabilitation (…) a pour effet de dissiper tout préjugé négatif qui entourait toute référence à ces personnes, notamment en ce qui concerne leurs noms, biographies, effigies, portraits, la dénomination des rues, monuments ou édifices publics”, ce d’autant plus qu’il est leur est reconnu d’avoir “oeuvré pour la naissancedu sentiment national, l’indépendance ou la construction du pays, le rayonnement de son histoire et de sa culture”. Un enseignant déjà.
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1 Commentaire
Kambou
janvier 15, 15:07Triste Mais and que faisons nous pour que demain soit meilleur?