David Abouem à Tchoyi : « Le suivi-évaluation permet aux populations de juger ceux qui les dirigent »

David Abouem à Tchoyi : « Le suivi-évaluation permet aux populations de juger ceux qui les dirigent »

Villes & Communes a rencontré cet expert de la  décentralisation et du développement local dans sa posture de modérateur du Séminaire régional sur les systèmes nationaux de suivi-évaluation des réformes de la décentralisation organisé du 17 au 19 Juin 2014 à Yaoundé.

Villes & Communes : Quels étaient les objectifs de ce séminaire organisé par le Réseau des partenaires techniques et financiers de la décentralisation (DeLoG) dans la capitale camerounaise ?

Abouem à Tchoyi : Le Séminaire qui s’achève avait pour objectif principal de faire un état des lieux des systèmes de suivi-évaluation existant dans les différents pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Au final, il s’avère que chaque pays dispose d’un système, même si l’efficacité et le fonctionnement ne sont pas harmonisés. Nous avons donc des problèmes au niveau de l’architecture dans certains pays et des problèmes de collecte des données dans d’autres. Il faut donc envisager la résolution de ces difficultés. C’est pourquoi, les différents participants ont pris le soin de déterminer les étapes à suivre dans les prochaines années.

Quelle est l’importance d’un système de suivi-évaluation lorsqu’on parle de réformes de la décentralisation en Afrique ?

Le suivi-évaluation est très important pour le développement en général. Il permet de relever les écarts à chacune des étapes du processus de développement afin de se donner les moyens de les corriger et de relever la barque. Pour les collectivités territoriales décentralisées, le suivi-évaluation permet de mieux affiner les plaidoyers sur les manquements dans le sens de la revendication de plus d’autonomie par exemple ou encore pour mieux appréhender les attentes vis-à-vis des partenaires techniques et financiers. Il faut pouvoir connaitre son potentiel pour se vendre et attirer les investissements privés. Le suivi-évaluation permet aussi aux populations de pouvoir juger ceux qui les dirigent. Il en est de même de la société civile qui a ainsi l’occasion d’avoir des éléments pour sensibiliser les différents acteurs sur tel ou tel point du processus de décentralisation.

Durant les travaux, l’on a entendu plusieurs participants poser le problème de coordination des systèmes d’évaluation. Quelle est la proposition de l’ancien ministre et expert que vous êtes ?

C’est vrai, le problème de coordination est une question centrale dans tout schéma de suivi-évaluation. Il faut commencer par coordonner le montage des structures impliquées. La difficulté étant aussi au niveau de l’interaction entre le système national de suivi-évaluation de la décentralisation et le système de suivi-évaluation de la mise en œuvre des politiques du gouvernement, puisqu’il est possible qu’on ait des indicateurs différents selon les sources. Il faudrait donc savoir comment est-ce que les données seront collectées, comment les valider, et à quel niveau va s’effectuer la coordination entre les systèmes décentralisés et le système national. Il faut que l’harmonisation suive au niveau de la diffusion des données. A partir de là, l’exploitation des données devient importante pour définir les politiques de planification du développement en intégrant les questions d’équité par exemple ou encore en matière d’équilibre régional  comme c’est la cas au Cameroun  ou encore concernant la péréquation dans le cadre du financement de la décentralisation.

Seuls les responsables des administrations centrales et dans une certaine mesure les élus locaux étaient présents à ces travaux. Mais quelle est la place des populations dans cet engrenage ?

Nous sommes tous des habitants d’une commune de tel ou tel pays. Mais plus sérieusement, il faut, et je l’ai recommandé au deuxième jour de ce séminaire, impliquer les populations. Elles sont les destinataires de tous les projets de développement, ce sont elles qui donnent mandat aux élus locaux. Il faut donc qu’on leur rende compte. Je pense aussi que ce les populations veulent savoir, ce ne sont pas les diagrammes et les chiffres. Elles veulent voir un changement. Est-ce que les choses changent et changent-elles dans le bon sens ? Les techniciens voudront savoir si quelque chose a changé et à quel pourcentage, tandis que les populations veulent savoir s’il y a un changement en termes de qualité ou si les citoyens ont accès aux services. Le citoyen a-t-il voix au chapitre pour déterminer les orientations et manifester par exemple son mécontentement si l’infirmier ou l’enseignant ne vient pas remplir sa mission au dispensaire ou à l’école ? Il faut que les populations sachent qu’elles ont des mécanismes de rétroaction pour faire entendre leur voix ou pour rectifier le tir, améliorer la situation et arrêter la dérive. C’est en cela que le système de suivi-évaluation leur donne des mécanismes pour bien apprécier la situation.

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Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

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