Axel DARUT : « Intégrer l’éducation à l’environnement et au changement climatique tout au long de la scolarité, et ce dès le plus jeune âge, permettrait à chacun d’avoir conscience de ses écogestes au quotidien »

Axel DARUT : « Intégrer l’éducation à l’environnement et au changement climatique tout au long de la scolarité, et ce dès le plus jeune âge, permettrait à chacun d’avoir conscience de ses écogestes au quotidien »

Diplômé en droit et régulation des marchés à Paris Dauphine, en études juridiques européennes au Collège d’Europe, et plusieurs expériences tant dans le secteur privé que public, Axel DARUT est conseiller affaires européennes sur les sujets d’économie circulaire. Villes & Communes est allé à sa rencontre, pour des éclairages sur les enjeux liés à l’environnement, notamment l’urgence climatique, et l’économie verte.

Villes & Communes : Quel bilan faire des mesures environnementales actuelles dans un modèle capitaliste plus fort que jamais ?

Axel Darut : En ce jour du dépassement, nous avons utilisé, en seulement sept mois, l’ensemble des ressources que la Terre peut produire en une année, soit deux mois plus tôt qu’il y a vingt ans. Comme rappelle le GIEC, il nous reste moins de dix ans pour inverser la tendance des émissions de gaz à effet de serre et engager une baisse massive des émissions pour atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire le “zéro émissions”.  L’Europe est une des rares région du monde à faire reculer cette date, ce qui montre que c’est possible, mais il faut aller plus vite et réfléchir à l’échelle internationale. Dès lors, les stratégies industrielles doivent par conséquent être adaptées avec les objectifs environnementaux fixés par l’Accord de Paris.

L’économie circulaire est, à mon sens, l’une des solutions pour faire reculer ce jour du dépassement, atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, tout en équilibrant les enjeux économiques et environnementaux tant à l’échelle européenne qu’internationale. En effet, en se donnant pour objectif de changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, et en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits, l’économie circulaire nous permet, en changeant nos comportements, d’agir concrètement pour préserver la planète et ses ressources.

La responsabilité élargie du producteur (REP), déclinaison du principe du pollueur-payeur, est au centre de cette transition pour une économie circulaire. Dans le cadre de la REP, les fabricants, distributeurs et importateurs, appelés “metteurs sur le marché” qui génèrent des déchets, doivent prendre en charge, notamment financièrement, la gestion des déchets. On compte en France une vingtaine de filières REP dont la mise en œuvre s’est effectuée progressivement depuis 1992. Dans le cadre de la Feuille de Route française de l’Economie Circulaire (FREC) parue en avril 2018, dont la loi sera en discussion dès le mois de septembre, diverses mesures visent l’optimisation des filières REP et la proposition de création de nouvelles filière dans le secteur des jouets, des articles de sport et de loisir, et des articles de bricolage et de jardin afin de réduire le volume des ordures ménagères résiduelles et développer l’activité de réemploi et de réparation de ces articles en lien avec l’économie sociale et solidaire.

La REP, telle que Citeo, société qui en a la charge pour les emballages ménagers et les papiers graphiques en France, démontre que la structuration d’un écosystème, à l’échelle nationale permet d’atteindre des objectifs fixés à l’échelle supra étatique. Ainsi, en France, le taux de recyclage des emballages ménagers est de 70%, soit l’objectif que l’Union européenne a fixé pour 2030 dans le paquet économie circulaire, entrée en vigueur en juillet 2018.

A l’échelle internationale, nous consommons actuellement environ 80 milliards de tonnes de matières premières par an, dont seulement 9% sont réutilisées ou recyclées. Et, notre consommation devrait doubler d’ici 2060. Sur les 193 Etats que comptent l’ONU, 63 pays ont adopté des mesures de REP, telles que des systèmes de reprise des produits, de remboursement des consignes, de collecte des déchets et de garantie de reprises des déchets, soit un tiers des pays à l’échelle internationale.

La résolution du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) de Nairobi en mars dernier souligne le rôle de la REP pour une meilleure gestion des déchets, notamment plastiques.

Ce mouvement international de filières REP va dans le bon sens, en s’accélérant aujourd’hui avec des projets de structuration au Chili, en Colombie ou encore au Vietnam.

Les dernières missions économie circulaire de la Commission européenne en Inde, au Mexique, en Malaisie, et dernièrement au Sénégal montre que la promotion de l’économie circulaire est essentielle pour produire moins de déchets et réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie.

Villes & Communes : 1000 milliards d’euros seront mobilisés sur cinq ans par la Banque Européenne d’Investissement en soutien à la transition écologique. A quoi doit-on s’attendre dans les prochains mois et quel peut être l’impact d’un tel financement ?

En effet, la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prendra ses fonctions en novembre, a annoncé un plan d’investissement pour une « Europe durable » à hauteur de 1000 milliards d’euros. La Banque Européenne d’Investissement devrait devenir en partie une Banque du Climat avec 50% de ses financements dédiés au climat d’ici 2025.

Il faut préciser que la BEI est déjà un partenaire de premier plan pour les investissements en faveur de l’économie circulaire dans l’Union européenne avec une participation à hauteur de 2,1 milliards d’euros de cofinancement dans des projets liés à l’économie circulaire. La BEI s’est principalement concentrée sur des projets relatifs à la gestion des déchets municipaux par le passé, elle pourrait maintenant accorder davantage de prêts en faveur de projets ciblant le recyclage et la récupération des flux de déchets commerciaux et industriels

Cette annonce politique pour une « Europe durable » devra, à mon sens, être orientée sur les besoins d’investissements nécessaires, tant sur l’amont que sur l’aval, pour atteindre les objectifs que l’Union européenne s’est fixée dans le paquet économie circulaire, à horizon 2025 et 2030. Dans cette perspective, le soutien financier devra être fléché sur l’ensemble de la chaîne de valeur du recyclage, tant du côté des metteurs en marché pour accompagner l’éco-conception des produits, que des industriels pour des projets de recherche et développement afin de créer de nouvelles filières de recyclage, et des municipalités pour améliorer les dispositifs de collecte et de tri des déchets.

De plus, afin de limiter l’impact des déchets sauvages à l’échelle internationale, la BEI, en lien avec l’Agence Française de Développement (AFD) et la Banque allemande de développement (KfW) ont lancés l’initiative « Clean Oceans » pour soutenir, à hauteur de 2 milliards d’euros sur cinq ans, des projets en Afrique, Asie et au Moyen-Orient sur la gestion des déchets plastiques.

Villes & Communes : 7000 Universités du monde entier ont signé un mémorandum d’urgence climatique ce mois de juillet, qu’est-ce que cette mobilisation peut apporter dans la lutte contre les changements climatiques ?

La mobilisation face à l’urgence climatique, notamment de la jeunesse, incarnée par Greta Thunberg, prouve que nos sociétés, prennent conscience des enjeux environnementaux à court terme et se mobilisent pour que les décisionnaires agissent rapidement pour une transition environnementale. Ce mémorandum est, selon moi, une suite logique de cette mobilisation citoyenne avec l’implication des institutions académiques qui prennent le relais des instances scientifiques.

Intégrer l’éducation à l’environnement et au changement climatique tout au long de la scolarité, et ce dès le plus jeune âge, permettrait à chacun d’avoir conscience de ses écogestes au quotidien. L’enjeu est d’autant plus important en Afrique. La dynamique démographique actuelle du continent est telle qu’en 2050, le continent africain comptera 2,4 milliards de personnes, majoritairement des jeunes (tandis que celle de l’Union européenne, qui sera vieillissante, aura chuté à 500 millions de personnes).

Ces projections démographiques prouvent que la jeunesse a un rôle à jouer pour accélérer une véritable transition écologique en structurant, notamment, une économie circulaire sur le continent.

Entretien réalisé par Manfred ESSOME

 

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Manfred Essome
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