Blaise Foka : “Les services de l’Etat doivent continuer à appuyer les Ctd”

Chargé d’études à la Cud, Blaise Foka revient sur les difficultés liées aux transferts de compétences de première génération aux communes.

Qu’est que la gestion desmarchés publics au niveaudes Ctd a changé dans leur fonctionnement quotidien ?

Il y a eu l’immixtion des responsables des ministères sectoriels qui est venue rallongerla procédure. En effet, il fautindiquer que l’utilisation descartons par le ministère desFinances dans le cadre dutransfert de compétences esten violation flagrante des dispositions de la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 d’orientation de la décentralisation qui précise que les ressources des Ctd leurs sont dévolues par dotation, par transfert de fiscalité ou par les deux à la fois. Dans le cas d’espèce, comme il s’agit d’un transfert, son intégration dans le budget passe par l’obtention préalable de l’avis de crédit signé par le Tpg [Trésorier payeur général, ndlr], par le Receveur Municipal et transmission de la copie aux services de l’ordonnateur. Sur le terrain, les Tpg délivrent un document intitulé avis de crédit et dont le contenu n’est pas compréhensible. Il faut dire que toutes les communes disposent d’un compte de liaison au trésor. On se serait attendu que le Tpg délivre un avis de crédit classique informant les receveurs municipaux gestionnaires de ces comptes que ces derniers sont crédités du montant correspondant du carton. Je tiens à préciser que le trésor est une banque et à ce titre le receveur doit payer les différentes prestations comme il le fait dans les autres banques commerciales.

C’est pourquoi au moment de faire les états financiers, le compte de la commune au Trésor doit figurer avec les détails des opérations. De même, ce compte recevant des recettes des communes éclatées au niveau des Cdi [Centres divisionnaires des impôts, ndlr], le receveur municipal peut y payer d’autres dépenses en dehors de celles liées aux transferts de compétences.

Toutes les implications attachées à la maîtrise d’ouvrage sont-elles assumées par les Ctd?

Non, à part les communautés urbaines de Douala et Yaoundé qui disposent de services techniques compétents, les autres communautés et communes doivent recourir à l’appui des ministères sectoriels suivant les compétences transférées.

Le renforcement des capacités du personnel des services techniques reste la seule issue qui mènera les Ctd vers la performance. A ce sujet, un cycle est ouvert au Centre de formation pour l’administration municipale (Cefam) de Buea afin de pallier à ce déficit. Il est donc urgent que la formation de ces cadres soit accélérée et étendue à l’Ecole polytechnique et à l’Ecole des travaux.

Que pensez-vous des travaux en régie ?

Si les Ctd s’appuient sur les services techniques des ministères sectoriels au regard du développement fait plus haut, il ne restera plus qu’à résoudre le problème de la corruption qui gangrène les marchés publics en général dans notre pays et dont les Ctd ne sont pas épargnées.

En l’absence d’un personnel formé, si les travaux en régie ne sont pas faits sous la supervision des services techniques de l’Etat, leur qualité ne respectera pas les normes.

Quel est votre avis sur le fonctionnement des commissions de passation des marchés de nos collectivités ?

La première remarque vient de la façon dont sont nommés les présidents de ces commissions dans les collectivités. Bien malin celui qui donnera un seul critère objectif appuyant la nomination de ces derniers. Ensuite, il y a la prépondérance du maître d’ouvrage qui décide au final de l’entreprise adjudicataire du marché malgré un code des marchés qui n’en donne pourtant pas l’impression. Au vu de nombreux chantiers abandon- nés et de la qualité de ceux qui sont terminés, la satisfaction ne peut être au goût du jour. Par exemple, pour mesurer l’indice de satisfaction dans le domaine des travaux publics en général, et dans le cas d’une route en particulier, le citoyen regardera la durée de la chaussée qu’on vient de réaliser et comme parfois elle ne dure pas plus de deux mois, tous les commentaires sont permis même si l’on n’est pas du domaine.

Comment expliquez-vous la sous-consommation du Budget d’investisse- ment public par les Ctd?

Les Bip pour l’Etat, les plans de campagnes pour les Ctd sont exécutés à un taux faible. Les raisons sont connues. Au niveau du Bip, en plus des procédures lourdes et contraignantes du code des marchés, il y une trop grande centralisation des crédits d’investissement au niveau des ministères sectoriels alors que les travaux sont prévus dans les régions. Plus encore, un budget voté pour 12 mois se retrouve exécuté en 08 mois dans sa section investissement. Et au niveau des Ctd, il faut ajouter à ce qui est dit plus haut dans le cas de l’Etat, le non-respect des délais en matière de tenue des sessions relatives au vote du budget, l’approbation tardive de la tutelle, les problèmes liés à la mercuriale et la non compréhension de la circulaire du Minfi relative à l’exécution, au contrôle de l’exécution du budget de l’Etat et des organismes subventionnés qui édicte quelquefois des dispositions contraires aux lois en vigueur dans les Ctd.

Les personnes en charge de la centralisation et la transmission des informations financières des Ctd n’ont pas toujours la maîtrise des procédures et des délais. Que préconisez-vous ?

En matière de finances publiques, la confection des états financiers et leur sincérité sont peu suivies par les services compétents du ministère des Finances. Il faut d’ailleurs préciser que le champ des finances publiques dans notre pays couvre l’Etat, les Ctd et les Etablissements publics administratifs (Epa). Les états financiers de chacune des trois entités devraient être consolidés par le ministère des Finances. Et à la fin, c’est la consolidation de la gestion de ces trois entités qui devrait être soumise à la Chambre des Comptes pour qu’elle se prononce sur la gestion des finances publiques dans notre pays. Vous voyez que nous en sommes très loin et c’est l’objectif principal de la réforme des finances publiques entreprise dans notre pays depuis 2007 avec la promulgation du nouveau régime financier de l’Etat et dont la mise en œuvre sera complète avant début 2013. Souhaitons que nos réformateurs passent de la théorie à la pratique d’ici à cette date butoir.

Précedent Marafa Hamidou Yaya: acteur majeur de la décentralisation au Cameroun
Suivant BIP 2010 : un serpent de mer pour les communes

Auteur

Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

Voir tous les articles de cet auteur →

Vous pourriez aussi aimer

Actu

Dr Malika Giorgi Ghefrane : « Donnons la chance aux femmes de montrer leur capacités, améliorer leur représentativité, afin qu’au côté des hommes elles démontrent une autre manière de faire localement »

En marge de la session sur l’expérience des femmes maires sur la gestion des déchets,  dimanche 6 Octobre 2019 à Yaoundé, Dr Malika Giorgi Ghefrane, Conseillère spéciale du REFELA, et

Dossiers

Rétro 2019 : Ils ont fait l’actualité locale au Cameroun 17-24

Ils sont hommes politiques, jounalistes, jeunes manipulés par l’élite ou victimes des tares de l’urbanisation. Ils ont été à la une en 2019. Voici la liste de la 17e à

Dossiers

Réflexion : des sessions inégales

Des dizaines de sessions organisées pendant cette 6e édition d’Africités ont donné à voir des niveaux inégaux d’analyses et de débats, reflet d’une Afrique disparate. Les sommets Africités ne feront

0 Commentaire

Aucun commentaire pour l'instant!

Soyez le premier à commenter cet article!

Laisser un commentaire