BIP 2010 : un serpent de mer pour les communes

Non associées aux transferts, les communes d’arrondissement ont géré de maigres budgets qui ne correspondaient pas toujours aux besoins de la base.

Selon la loi N°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972, en son article 10, qui traite des collectivités territoriales décentralisées, l’enjeu majeur de la décentralisation est de « promouvoir le développement durable en impliquant les populations de la base à la gestion de leurs affaires. Il s’agit d’aller bien au-delà de ce que l’institution communale permettait de faire jusque-là. Et oser franchir le pas décisif d’une grande responsabilisation des populations. Une incitation à prendre des initiatives au plan local et de s’investir dans la recherche des solutions idoines aux problèmes locaux. » Ce texte donne une impulsion nouvelle et un rôle accru et déterminant à la décentralisation pour améliorer et dynamiser le développement politique, social et économique du Cameroun.

Pour autant, dans les faits, passée lapremière année d’expérience de la décentralisation, nul besoin d’être devin pour constater que cette expérience a été douloureuse pour les magistrats municipaux. « La première difficulté vient déjà de ce que nous ne sommes pas associés aux transferts qu’on nous attribue. Il faudrait pourtant qu’on laisse parler la base, c’est-à-dire, qu’on fasse entendre la voix des populations qui sont les premières bénéficiaires de cette décentralisation », confie, sous cape, un magistrat municipal. Et de renchérir : « Quelque part, ce n’est pas la faute du gouvernement qui ne peut pas entendre 360 maires. Il revient aux maires qui nous représentent au sein de toutes les institutions mises sur pied pour étudier la décentralisation, d’être non seulement représentatifs, mais aussi outillés pour pouvoir défendre la cause des mairies. Le gouvernement fait des efforts, mais si beaucoup de choses restent à faire, c’est parce que nous n’avons pas encore des personnes qui nous représentent valablement au sein des instances qui parlent de la décentralisation. Peu importe le montant qui est transféré, si les choses sont faussées dès le départ, rien ne marchera. »

La gestion du Budget d’investissement public en 2010 a été loin d’être un fleuve tranquille pour les municipalités. Certes, plusieurs s’en sont tirées, avec des taux d’exécution de plus de 90%, mais les incidents avec les responsables nationaux n’ont pas manqué. « Nous avons eu des difficultés avec les fonctionnaires. Dans leur logique, c’est à eux que revenait le droit de contrôler et réceptionner les différents travaux engagés par la municipalité. Pourtant, on aurait dû nous envoyer directement ces cartons de crédit », raconte un responsable financier d’une commune d’arrondissement. Bien plus, se plaint celui-ci, la procédure administrative est très longue. « Il faut aller chercher les cartons de crédit et suivre la procédure administrative. Pourtant, on aurait pu supprimer certaines étapes en nous envoyant directement ces cartons de crédit plutôt que de passer encore par les contrôleurs de région. Même les paiements peuvent être faits au niveau du receveur municipal, quitte à ce que le contrôleur vienne par la suite se rassurer si l’exécution a vraiment été bonne. »

En 2010, les cartons de crédit non seulement étaient insuffisants, maisen plus ils ne correspondaient en rien aux besoins des populations. « Lorsqu’on vous envoie 30 millions de Fcfa pour le Budget d’investissement public, ce montant est calculé sur quelle base ? Ceux qui choisissent les projets devraient demander notre avis pour connaître les besoins de nos populations avant de décider », maugrée une nouvelle fois l’édile municipal. Cette démarche contredit la loi sur la décentralisation qui dispose que les collectivités locales décentralisées jouissent de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Ladite loi affirme que lesdites collectivités territoriales décentralisées sont librement administrées par les conseils élus qui ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités. Pour cette année 2011, les élus locaux espèrent être associés au choix des projets à financer et même aux montants à attribuer. Mais les informations disponibles sur le Bip du premier semestre 2011 montre, malheureusement, que leur voix n’a pas été prise en compte.

Précedent Blaise Foka : “Les services de l’Etat doivent continuer à appuyer les Ctd”
Suivant Bamendjou, le village sans bornes

Auteur

Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

Voir tous les articles de cet auteur →

Vous pourriez aussi aimer

Actu Cameroun

AGC 2019: Un nouveau mode d’élection des maires envisagé

Il s’agit d’une des réflexions posées dans le cadre de l’atelier numéro 1 portant cadre normatif et institutionnel de la commune le 7 février 2019.

Dossiers

Charlie Martial Ngounou : « Les leaders de nos villes doivent fédérer les énergies »

Expert de l’Association internationale des maires francophones (AIMF) sur les questions de finances publiques et locales, Charlie Martial Ngounou qui dirige le cabinet Success Partners Consulting, partenaire technique de l’AIMF

Dossiers

Gouvernance locale : la guerre du droit à la communauté urbaine de douala

L’on s’achemine véritablement vers un dénouement judiciaire. Le bras de fer qui oppose l’instance urbaine de la ville de Douala depuis un an à ses « ex-employés » n’a pas encore livré

0 Commentaire

Aucun commentaire pour l'instant!

Soyez le premier à commenter cet article!

Laisser un commentaire