La fin de l’approche tribale

La fin de l’approche tribale

Certains ont vite fait de s’émouvoir le 12 juin dernier de ce qui devrait passer pour une espèce de rectificatif des usages de pouvoir au Cameroun, à savoir la nécessaire triangulation Nord-Sud-Anglophones. Pour faire simple, c’est que le Sud a la présidence de la République depuis 1982 et devrait la garder au-delà de 2018; le Nord et les régions anglophones avec un net avantage au Nord-Ouest se partagent l’Assemblée nationale et la primature.

Mais à l’analyse, on a toutes les raisons de s’inquiéter de sentiments des deux camps en présence: d’une part, ces Bamiléké hystériques qui se gargarisent de ce que Paul Biya aurait «confié» sa succession aux Bamiléké; et d’autre part les non Bamiléké qui croient effectivement à ce leurre et glosent sur la science infinie du président de la République et son extraordinaire capacité à jongler avec les équilibres tribaux et régionaux.

Et c’est ici que nous sommes tous interpellés: peut-on, au moment où nous nous projetons que 2035, continuer de nous satisfaire de l’approche tribale dans la redistribution des cartes du pouvoir ou devons-nous guérir dès à présent d’une solution d’hier qui est un caillou dans la chaussure aujourd’hui et a tous les relents d’un cancer de demain?

Si je ne reviens pas sur le pouvoir discrétionnaire du Chef de l’Etat qui nomme et révoque qui il veut dans les limites que lui fixent les lois et règlement de la République, je m’interroge cependant sur les ressorts des équilibres qui, suivant le bord où l’on se trouve, semblent réjouir certains et frustrer d’autres.

Si, au lendemain des indépendances, il était important de mettre en place un mécanisme de discrimination positive afin de faire émerger une élite dans les zones présentant d’importants retards sur les autres en terme de taux de scolarité, de taux de diplômés, de taux de fonctionnaires et autres décideurs stratégiques, il est aujourd’hui suicidaire de perpétuer cette espèce de nivellement par le bas. Le monde ne nous attendra pas. Les enjeux d’aujourd’hui et de demain exigent plus que la compétence, une agrégation de compétences à toutes les sphères de l’Etat.

Si cinquante après, cet objectif n’a pas été pleinement atteint, on ne peut rien y faire: c’est probablement que ceux de qui on se souciait tant ne méritent pas à ce point l’attention spéciale de l’exécutif.

Il est temps de s’arrimer aux standards internationaux: les meilleurs aux meilleures places. Qu’importe que ce soit une colonie de Moundang, un bataillon de Bamiléké, un village d’Anglophones, un contingent d’Eton ou un carré de Maka. Il nous faut les meilleurs aux meilleures places. Et d’avoir pris tout notre temps à nous en convaincre nous fait accuser un retard quasi rédhibitoire sur les nations les plus ambitieuses de ce monde.

Nous avons d’autant plus de raisons de nous y mettre que s’il fallait attendre que chacune des 200 et poussières d’ethnies de notre pays ait goûté aux saveurs des hautes sphères, même en 3040, nous serions encore à attendre que l’ultime groupe tribal ait son heure de gloire.

Autre chose: si la question tribale est finalement incontournable au Cameroun, que le Parlement qui vient d’être doté d’une nouvelle chambre, fasse son travail et légifère sur la question de la rotation des tribus et qu’on en finisse avec les supputations, les soupçons, les rancœurs. On saurait désormais que chaque tribu a droit à un X mandat d’une durée Y à Z sphères de l’Etat. Nous aurons alors fait des pas de géant vers une gouvernance renforcée.

Bonne lecture et que notre pays sorte définitivement d’une approche tribale du pouvoir et postes stratégiques.

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Auteur

Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

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