Kamto prend d’assaut Paris à une semaine du 9 février 2020
Les partisans du président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) avaient promis un giga meeting à Paris le 01 février 2020. Le pari a été réussi avec des dizaines de milliers de membres de la diaspora mobilisés à la Place de la République.
Interdit d’organiser tout meeting au Cameroun depuis sa sortie de prison le 5 octobre 2019 après 9 mois de détention arbitraire dans le cadre des marches de protestation des résultats de la présidentielle d’octobre 2018, Maurice Kamto a tenu à passer plusieurs messages depuis un lieu symbolique de la capitale française, en présence de ses principaux soutiens de la présidentielle dont Christian Penda Ekoka, ex-conseiller économique de Paul Biya et Valséro, rappeur engagé.
Le premier message, c’est le lieu de la rencontre. La Place de la République, précédemment “place du Château-d’Eau”, porte depuis 1879 son nom actuel qui lui a été donné dans le cadre du projet d’érection d’une statue de la République par les frères Thiébaut, suite à une délibération en 1878 de la mairie de Paris et en l’honneur du républicanisme. Son nom et sa symbolique, couplés à son accessibilité au carrefour de grandes avenues, en font le lieu privilégié des manifestations dans la capitale française. Cette Place a aussi été, dans le passé, le cadre choisi le 4 septembre 1958 par le général de Gaulle pour une manifestation en faveur du Oui au référendum instituant la Constitution de la cinquième République.
Derrière le choix de ce haut lieu de la liberté et des valeurs républicaines, l’on peut supputer qu’ayant le sentiment que l’Elysée est, plus que toutes les autres puissances occidentales, capable de peser sur le débat sur l’alternance, Maurice Kamto veut s’imposer et imposer le Cameroun et sa situation dans l’agenda politique français. En outre, un tel meeting ne pouvant passer sous silence dans toute la presse française, il sera forcément relayé et va accroître le référencement de son nom dans les moteurs de recherche. Sur le coup, c’est bien joué, même si par ailleurs, cela voudrait dire qu’il tente de faire du charme à la France alors que 48 heures plus tôt, il insistait dans une conférence de presse sur le fait que son pays n’a jamais été colonisé par la France, prenant à contre-pied Paul Biya qui disait le contraire… à Paris le 12 novembre 2019. Le deuxième message c’est la date de l’événement. En choisissant, à 8 jours du double scrutin électoral du 09 février 2020, d’organiser un meeting d’une telle mobilisation populaire, Maurice Kamto veut maintenir une certaine pression sur Paul Biya. Il espère sans doute obtenir une annulation ou un report de ce double scrutin auquel son parti ne participe pas. Sinon, son parti prend le risque d’être écarté des circuits de décision à tous les niveaux politiques pour plusieurs années, au moins jusqu’en 2025, date de la prochaine présidentielle dont il ne peut être candidat puisque son parti ne sera représenté ni dans les conseils municipaux ni au parlement, condition sine qua non de présentation d’un candidat de parti à la présidentielle. En somme, une mort programmée du Mrc.
Le troisième message c’est la qualité et le nombre des personnes prenant part à ce meeting. Plusieurs dizaines de milliers de membres de la diaspora. Cette même diaspora tancée par Paul Biya dans son adresse à la nation le 31 décembre 2019: “S’agissant du comportement excessif de certains de nos compatriotes de la diaspora – qu’ils soient ou qu’ils ne soient plus Camerounais – je pense qu’ils devraient, par patriotisme, s’abstenir de propos négatifs à l’égard de leur pays d’origine. On doit toujours respecter sa patrie, ses institutions et ceux qui les incarnent”. Cette diaspora qui entretient avec le pays des rapports délicats que le refus de débat sur la double nationalité et l’emprisonnement de certains dans le cadre du solde de la présidentielle pour proximité réelle ou supposée avec le Mrc ont scellés.
Le quatrième message, passé aux masses populaires et aux Camerounais dans leur ensemble, c’est qu’il est possible de réenchanter le peuple après les désenchantements répétés des 30 dernières années. Il est encore possible de voir les Camerounais se lever pour une cause, même si celle-ci se résume à “tout auf Biya après 37 ans de pouvoir”, les voir payer leur transport de leur poche et faire le pied de grue pendant des heures. Un message qui peut avoir son importance à 10 jours de la fête de la jeunesse, dont l’horizon est peuplé de doutes sur l’emploi et le logement, accentués par les différentes crises qui caractérisent la fin de règne du président Biya.
Le cinquième message, c’est le service après vente de la présidentielle dans le cadre de la tournée qu’il effectue en Occident pour remercier les différents soutiens qui ont oeuvré à sa libération. Après les responsables de la politique africaine de l’administration Trump rencontrés aux Etats-Unis et dont les images ont filtré sur la toile, il a marqué le clou à Paris, où il a exigé la libération des personnes maintenues en prison malgré l’arrêt officiel des poursuites dans le cadre des marches blanches de protestation contre les résultats de la présidentielle.
Pour une commission de recomptage des voix
Le sixième message, le contenu du discours tenu à Paris. En rappelant les principes et valeurs de la République “une longue aventure”, “une quête permanente”, et en s’appuyant sur l’histoire de la France, Maurice Kamto a tenu à interpeller sur le prix à payer pour la liberté et la démocratie, “chaque jour jusqu’au triomphe, car nous sommes un pays debout”. Il a fustigé la montée de “la haine ethnique” pendant l’année 2018 et la campagne électorale. Il a martelé une nouvelle fois qu’il a gagné la présidentielle, et demandé que Paul Biya “ait l’élégance de passer le pouvoir”, soulignant à nouveau être prêt à s’incliner devant les résultats d’une commission de recomptage des voix si celle-ci était acceptée par le pouvoir en place.
Le septième message, plus sybillin, est adressé au régime de Yaoundé. Kamto veut obliger Yaoundé et ses soutiens, au premier rang desquels Paris, à composer avec lui, ses idées et son parti pour tracer les contours de l’avenir du pays et résoudre les crises qui l’agitent. Et en prenant d’assaut la Place de la République à quelques jours des législatives et municipales du 9 février prochain et à 44 jours des municipales en France, il a battu une carte maîtresse de sa stratégie.
Il faut croire, vu tous ces messages, que Kamto avait des choses à dire et devant une foule impressionnante dans un événement qui fera date, il a trouvé le moyen d’être audible. Suffisamment audible pour rebattre les cartes politiques du Cameroun et arriver à Etoudi ? Bien malin qui peut y répondre.
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