Hilaire Kouemegne Noubissi : Haro sur le centralisme administratif de la décentralisation

Hilaire Kouemegne Noubissi : Haro sur le centralisme administratif de la décentralisation

Ce jeune chercheur camerounais s’est illustré par la qualité de la recherche sur le processus de transfert des compétences de l’Etat central vers les collectivités territoriales décentralisées en cours depuis 2010.

495 pages pour analyser le processus de décentralisation au Cameroun. « Décentralisation et centralisation au Cameroun. La répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales », c’est le titre du livre paru au dernier trimestre 2013 sous la plume de M. Kouemegne Noubissi. Dans cet ouvrage, l’auteur ne s’est pas limité à promener son miroir dans le monde de la décentralisation. Il a dépassé le statut de peintre. Il s’est servi des outils du géomètre pour mesurer le parcours de cette réforme de l’Etat. Il a d’abord présenté la décentralisation comme un processus lointain dans l’environnement camerounais. Puisque, les premiers pas s’observent dans le texte constitutionnel du Cameroun indépendant, notamment celui du 4 mars 1960. Cette dernière faisait déjà des provinces devenues régions en 2008 et des communes des « collectivités locales de l’Etat », rappelle l’auteur camerounais. Plusieurs décennies après, le processus peine encore à prendre définitivement corps du point de vue de l’autonomie des collectivités locales. Les questions de transfert de compétences à l’ordre du jour depuis 2010, les lois générales sur la décentralisation et les règles applicables aux communes et aux régions, les lois sur la fiscalité locale, sur la coopération décentralisée ou encore les relations entre l’autorité de tutelle et les élus locaux gestionnaires des destins des populations locales … rien de tous ces domaines n’échappe à la loupe du chercheur.Bien trempé dans les méandres des approches juridiques dont il a la parfaite maîtrise, il présente son analyse en deux parties. La première idée est que la répartition des compétences est la modalité d’une décentralisation affirmée. Se fondant sur les lois générales de Juillet 2004, l’auteur arrive à une conclusion sanglante que soulignent les Professeurs Maurice Kamto et Michel Verpeaux, les préfaciers de cette ouvrage : « les conditions de l’exercice des nouvelles compétences transmises aux collectivités territoriales révèlent une dépendance encore marquée desdites collectivités vis-à-vis des autorités étatiques ». Les deux juristes iront d’ailleurs plus loin dans l’analyse de la contribution de l’auteur qui a soutenu sous leur direction une thèse de doctorat en 2012. C’est ainsi que dans la deuxième partie, l’auteur soutient l’idée selon laquelle la répartition des compétences est le reflet d’une « centralisation administrative persistante ». L’argumentaire présente deux piliers. Pour l’auteur, le poids des autorités administratives de l’Etat dans la répartition des compétences reste important. Car, poursuit-il, « l’exercice des compétences locales est subordonné aux interventions de l’Etat et la tutelle de celui-ci sur les collectivités décentralisées ». Cette emprise « demeure très forte », relèvent les préfaciers.

C’est sans doute ce qui explique selon M. Noubissi, l’insuffisante prise en compte des réalités locales dans la répartition des compétences. Les premiers à être lésés, selon l’auteur, sont les chefferies traditionnelles. Tout comme « la participation populaire est restée fort limitée tout au long du processus ». Sans remettre en cause par une critique acerbe d’une autre époque, l’auteur prévient en ces termes «sous la décentralisation camerounaise persiste un centralisme administratif dont les origines ne sont pas récentes». Cela s’observe bien dans les milieux de la décentralisation par la dépendance financière des collectivités décentralisées vis-à-vis de l’Etat, le faible développement institutionnel des collectivités et la faiblesse en quantité et en qualité de leurs ressources humaines. Au final, une analyse qui interpelle tous les acteurs au moment où l’on amorce la dernière ligne droite des transferts des compétences aux communes. Au demeurant, l’auteur pose les bases d’un droit spécifique de la décentralisation.

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Auteur

Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

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