Africités 2012: Des héros ordinaires

La remise des prix Harubuntu 2012 a coïncidé avec la soirée de gala de la VIe édition d’Africités.

Société civile

Namegabe, messie d’enfants soldats

Harubuntu NamegabeDepuis 18 ans, Murhabazi Namegabe, 44 ans, intervient auprès des groupes armés présents dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) pour libérer les enfants soldats qu’ils ont recrutés. Son but: leur permettre de se reconstruire pour espérer un avenir meilleur.

Murhabazi Namegabe fait preuve de beaucoup de sang froid. C’est au péril de sa vie qu’il se rend auprès des groupes armés pour négocier leur libération. Et là, une fois devant ceux qui n’ont aucun scrupule à inciter ces jeunes garçons à regagner leurs rangs, il doit faire preuve de prudence. Armés jusqu’au cou, vite irritables et suspicieux, Murhabazi Namegabe doit avant tout les convaincre du fait que les enfants sont l’avenir de leur pays. Qu’ils constituent une richesse. Qu’ils doivent être protégés plutôt qu’utilisés comme miliciens. Et qu’en les contraignant à se battre, leurs droits sont violés.

Ce titulaire d’un doctorat sur la croissance et le développement de l’enfant et père d’une adolescente de 14 ans dirige une association de 257 membres, le Bureau pour le volontariat au service de l’enfance (BVES).

 

Communication

Jolly Kamuntu, la voix du peuple

Harubuntu KamuntuJolly Kamuntu, 32 ans, aime s’exprimer librement. Pour cela, elle a choisi les ondes. Mais ce qu’aime avant tout Jolly, c’est donner la parole aux autres. Un projet loin d’être aisé dans le Sud-Kivu, minée par des conflits armés. Dans cette région, située dans l’est de la République démocratique du Congo, les populations vivent dans des conditions très difficiles. La radio locale Maendeleo que Jolly dirige depuis 2004, leur donne régulièrement la parole. Les habitants de cette province peuvent ainsi raconter leur rude quotidien et exprimer leurs attentes aux autorités.

Avec son équipe, elle n’hésite pas à aller à la rencontre des populations du Sud-Kivu. Son projet a donné naissance à 145 radios clubs. Le principe ? « Il s’agit de groupes de personnes que nous avons formé pour faire des reportages et recueillir les récits des habitants les plus reculées du Sud-Kivu. Ensuite, nous diffusons leurs propos sur radio Maendeleo afin que tous les auditeurs puissent être informées de leurs difficultés », explique Jolly. Jolly milite aussi pour la promotion des femmes dans son pays, avec l’Association des femmes des médias du Sud-Kivu, projet primé par Harubuntu.

 

Coup de coeur du jury

La chère terre d’Esther V. Razazarivola

Esther Vololona Razazarivola a 50 ans, deux enfants et une sensibilité à Harubuntu Vololonal’injustice. Elle est récompensée pour un projet qu’elle a lancé en mars 2010 sur la Lutte contre la violence foncière dans les zones enclavées. Pour ce faire, elle s’est entourée d’une équipe pluridisciplinaire, avec pour but de combattre les obstacles qui entravent l’obtention des titres fonciers. L’association se mobilise donc pour aider les populations à réunir les pièces qui prouvent la mise en valeur des terres ou à recueillir les témoignages qui prouvent le lien entre les occupants et la terre. Les populations, souvent illettrées, bénéficient de l’action bénévole des juristes de l’association pour les démarches administratives et les recours juridiques.

Le jury a été séduit par les effets en cascade de l’action d’Esther Vololona dans un pays, Madagascar, où la question de la propriété foncière génère un nombre important de frustrations et de tensions. La coexistence du droit coutumier et d’une réglementation foncière héritée de l’époque coloniale s’ajoute aux soucis techniques du Cadastre.

 

Coup de coeur du jury

David Levi Ollie: la rue comme univers

Le succès international du groupe de musique, Staff Benda Bilili,Harubuntu Ollie rassemblant des personnes handicapées issues des rues de Kinshasa (République démocratique du Congo) ne doit pas occulter le cas de David Levi Ollie. Il découvre la rue à 7 ans et à 22 ans, crée une association des enfants de la rue, les « shégué » en lingala.

L’Aejerc (Association pour l’encadrement des jeunes et enfants de la rue du Congo) aide les «shégué» à se lancer dans une activité génératrice de revenus. Cela passe par une intégration des enfants nouvellement arrivés, grâce à des visites sur les sites fréquentés par les jeunes. Ils sont ensuite pris en charge par les plus âgés qui doivent leur apprendre l’autonomie qui les aidera à quitter la rue. Cet apprentissage, c’est aussi et surtout celui d’un métier demandant un capital minimal: couture, coiffure, esthétique, etc.

Les autorités locales vers qui il se tourne prennent de plus en plus au sérieux la démarche de David L. Ollie et ont signé un contrat avec son association.

 

Coup de coeur de jury

Jude Zounmenou et ses marionnettes

ZounmenouLes spectacles de marionnettes n’intéressaient pas les Béninois. Mais les choses ont bien changé depuis que Jude Zounmenou a lancé sa compagnie de marionnettistes qui sensibilise aux maux de la société béninoise. Il préside aussi l’association Thakamou qui a pour but de redorer le blason des artistes béninois. Jude Hermann Enagnon Zounmenou sait ce qu’il veut. Le jeune homme de 30 ans, à la voix grave et posée, donne l’impression qu’il en a 40. Il se définit lui-même comme quelqu’un de « très têtu ». Un entêtement qui lui a permis de créer, en 2009, l’association Thakamou pour promouvoir l’art de la marionnette au Bénin. L’objectif est aussi de redorer le blason des artistes béninois souvent dévalorisés. « Au Bénin, les artistes sont très mal vus. Dès que vous dites que vous êtes artiste, on vous considère comme un raté ».

 

Entreprenariat

Salimata Wade, une affaire de cuisine

Harubuntu SallyC’est l’histoire d’une universitaire sénégalaise qui, à force d’interroger le rapport des Africains à leur alimentation a fini par créer une entreprise en 2008, La Compagnie du bien manger. Elle propose une alternative culinaire basée sur les ressources alimentaires du continent. Une équipe de cuisiniers, psychologue, diététicien, prof de gym est disponible pour conseiller les clients.La promotrice est passée par les dégâts de la malbouffe dans les années 2000: « Je travaillais beaucoup, je sautais les repas…. J’ai imposé à mon corps tout ce que je voulais. L’essentiel était qu’il fasse ce que je lui demande. Et puis, un jour je n’ai pas pu me lever ». Son médecin l’aidera à prendre de conscience du mal.

Elle s’est concentrée sur son environnement et a mis au point une gastronomie africaine avec des mets plus équilibrés. « J’ai pris les plats locaux et je les ai retravaillés, explique-t-elle. Les gens mangent ce qu’ils ont l’habitude de manger avec un budget adapté. Nous initions un changement dans la manière de manger. Ce n’est pas un régime. Nous voulons que les gens en fassent un mode de vie ».

Pas de théâtre au Bénin

Une image négative qu’il compte bien changer.

« Nous les jeunes artistes devons tout faire pour qu’on nous prenne au sérieux ». Mais le gros problème, selon lui, est que l’artiste n’a pas de statut au Bénin. Sans compter que « l’Etat ne nous soutient pas toujours même si un budget d’un milliard de francs CFA est alloué à la culture. Ce qui n’est pas mal. Mais encore faut-il que cet argent soit bien géré et attribué équitablement », déplore-t-il. « Il n’y a aucun moyen pour les comédiens de se former. Aucune école n’existe pour cela. Il n’y a pas non plus de théâtre pour présenter les spectacles. Il y a encore beaucoup de travail pour tout révolutionner. » Mais il n’abandonnera pas. « Il faut être sérieux dans son travail et tout ira bien », aime-t-il dire.

Contrairement à certains de ses compatriotes, il ne badine pas avec l’art. Il est bien décidé à en vivre. Son avenir est pour le moment assuré. Le jeune Béninois n’a pas eu peur de créer sa propre compagnie de marionnettistes. Elle vit à l’aide de son association qui a reçu le soutien de la Fondation Suisse du Bénin et de l’Union européenne. Sa troupe est d’ailleurs la seule qui existe dans le pays. Mais les comédiens ne montent pas sur scène uniquement pour amuser la galerie, tient-il à préciser : « L’objectif est avant tout de sensibiliser la population sur les différents maux de la société béninoise. Comme le sida, la malnutrition des enfants etc… » Des thèmes traités sans tabou.

Susciter des vocations

A travers ses représentations, Jude veut aussi susciter des vocations. Il a déjà formé douze jeunes qui ont appris à fabriquer et utiliser les marionnettes. Le marionnettiste a fait du chemin. Son projet a aussi donné naissance au Teni Tedji, le Festival international des arts de la marionnette. Il se tient une fois par an. Durant plusieurs jours, sa compagnie parcourt le Bénin pour se représenter sur scène ou dans la rue. Ce festival est très important pour Jude et son équipe car il donne de la visibilité à leur art.

Source: www.afrik.com

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Auteur

Kamdem Souop
Kamdem Souop 343 Articles

Écrivain, éditeur et spécialiste de communication sur le changement de comportement social, il a dirigé le journal en ligne www.villesetcommunes.info et la WebTv www.villesetcommunes.tv de 2011 à 2020.

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